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Rescapé
des hauts fourneaux de la rentrée où l’on brûle comme l’on encense les livres sans même les
avoir ouverts (voir le cas Houellebecq), celui-là est parvenu à se glisser hors des piles vomies par la
table qui accueille les pyramides instables vouées à l’effondrement et à l’oubli sous le
renouvellement accéléré des tas de livres - nouvelles enveloppes à bulles éventrées, nouvelles couvertures
cornées... autant de victimes collatérales de la folie des éditeurs qui publient comme l’on respire.
La chance de celui-là, est d’avoir eu deux lumières qui brillaient sur la couverture. Mila, un nom qui
inspire et ouvre au rêve, donc qui attire l’attention ; et un auteur qui intrigue autant qu’il
peut agacer par l’usage d’un style qui pourrait être tenu pour de la prétention. Ni une ni deux, la
main de votre serviteur s’en est emparée : il était temps, l’année allait s’achever sans
que nous évoquions cette comète paru en septembre... Charge à peine voilée contre une manière toute française
de se cacher derrière des idéaux, Lydie Salvayre s’en prend à notre lâcheté en fustigeant René Descartes
comme l’on ferait la leçon à un étudiant insolent qui oserait avancer des propos qui le dépassent sur les
seules bases d’un raisonnement simpliste n’ayant aucun fondement scientifique.
Pour mener à bien cette passe d’armes, un narrateur
s’interpose : célibataire, voué aux désillusions professionnelles, il s’en va en
province vivre avec sa vieille mère impotente et endosse le costume du martyr moderne. Pour épancher sa
rage d’incompris et de paralysé social, il s’enferme dans sa chambre et apostrophe le
philosophe comme s’il était en face de lui, pour lui dire ses quatre vérités, en oubliant
volontairement qu’il possède des connaissances que Descartes n’était pas en mesure
d’avoir. Mais pour qui veut briser l’élan cartésien, l’absurdité de certaines
démonstrations se suffit à elle-même, sans avoir besoin d’y ajouter le détail scientifique
qui fait mouche... Car Descartes est moderne. Il devient donc le miroir idéal pour déclamer ce que
pense le "petit peuple" de France qui n’en peut plus de l’arrogance de ceux qui nous
servent des inepties comme autant de vérités imparables. De ces autres qui affirment, péremptoirement,
que ceci est cela et que cela n’est pas contestable. En cela, donc, Descartes est coupable
d’avoir affirmé, comme certains en ce moment, en 2005, que de donner la
suprématie du bon sens sur les sens et la possibilité de faire pénétrer dans l’obscurité du cœur
la froide clarté de l’abstraction c’est oublier un peu vite la
mélancolie de l’homme, ses lubies, ses guimauves et ses petits grabuges intérieurs.
Descartes ne savait pas que la philosophie est la petite sœur de la psychanalyse.
Lydie Salvayre, pédopsychiatre dans une institution de la banlieue parisienne quand elle n’écrit
pas, nous le démontre d’une belle manière, avec panache et humour.
Pour battre Descartes, voici Mila, une héroïne digne d’un roman
hispanique - clin d’œil personnel, puisque Lydie est la fille d’une réfugiée fuyant le franquisme
qui arriva en France en 1939 - cartomancienne au grand cœur qui, quand elle ne dit pas ses quatre vérités
aux élus municipaux, quand elle ne partage pas sa couche avec le premier magistrat, s’en va intriguer
contre la vox populi pour apporter le bon sens près de chez nous qui s’en est allé Dieu sait
où... Ainsi, des châteaux en Espagne que l’on se construit au fond de son cœur à l’amour qui
possède, aussi, ses raisons que la raison... et cætera, on parviendra à démêler l’intrigue et
à se méprendre sur les raisons qui nous déterminent... Une belle leçon de vie pour l’avenir.
(François Xavier -
lelitteraire.com) |
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