Le Café Littéraire Plaisançois
 
 
 
La haine de la famille
Catherine CUSSET
Gallimard 2001
 
 
 

Catherine Cusset est née à Paris en 1963, et vit actuellement à New-York. Elle enseigne la littérature à Yale. Elle est également l'auteur de six romans, dont A vous, La blouse roumaine, Jouir , Le problème avec Jane, qui a reçu le Grand Prix des Lectrices Elle 2000.

 
 
 
 

La vie de famille est un sport de combat qui exige un mental de champion, une musculature d'athlète et une santé de fer. Chez les Tudec, bourgeois pure laine, on arbore d'impeccables cursus. Philippe, le père, est énarque, Elvire, la mère, est juge d'instruction et, parmi les quatre enfants, Anne, Pierre, Marie et Nicolas, trois sont normaliens et le dernier, électron libre, s'en sort très bien à New York. N'oublions pas Simone, la grand-mère maternelle, d'origine juive, miraculeusement sauvée de la déportation, jadis avocate hors pair, formée par le Caruso de l'époque, Me Floriot. Simone est une femme inflexible, une mère abusive, une grand-mère tonique. Forgée par les préjugés de leur milieu, agrémentée par les privilèges de leur classe, l'existence des Tudec s'organise autour de dîners en ville, vécus comme autant de cauchemars, de sport au Racing le dimanche, de vacances en Bretagne l'été et de chamailleries familiales en toute saison. Lecteurs du Monde, auditeurs de France-Culture, téléspectateurs de Pivot, les Tudec sont culturellement corrects. Tel est le paysage exposé versant soleil.

(bookenstock.com)
 
 
    Famille, je vous hais!
Ou le charme discret de la bourgeoisie....

Catherine Cusset est née dans un milieu de la bourgeoisie parisienne. Très province néanmoins dans ses valeurs et ses codes. Si l'on tient pour réelle la dichotomie des auteurs de la capitale française qui citent la bourgeoisie "provinciale", comme ils parlent de petits profs, de petite gens, avec ce mépris qu'ont les détenteurs de la Culture officielle....Regrettant une seule chose c'est de ne pas se trouver suffisamment proche du Pouvoir...celui qu'ils instituent, et agréent. Leur adresse principale est si possible citée dans le Monopoly, et celle de leur résidence secondaire est sur toutes les lèvres.

Il n'empêche que l'auteur a fréquenté la rue d'Ulm, ce qui frôle la fiction, lorsqu'on n'est pas issu d'un lycée faisant partie de la légende parisienne. Née en 1963, sa petite voix de personne bien élevée la fait apparaître plus jeune. Elle vient d'ailleurs de passer du statut de jeune fille à femme-mère. "Ce qui change tout" dit-elle. Elle en vient presque à comprendre sa mère, cette éternelle insatisfaite, dont la seule gloire réside dans la réussite scolaire de ses enfants. Seule conversation glorieuse qu'elle puisse tenir dans les salons (qu'elle fréquente d'ailleurs fort peu).

Mais tout de même, une mère ça sert à ça. Faire des gosses. Quatre. Chiffre honorable qui permet de gagner ses galons de Vraie mère. Deuxième étape: les amener à une position sociale qui légitime son sort, ses sacrifices et fassent honneur à son époux. Ah, non! Cela ne suffit pas. Pour que le tableau soit complet, il faut s'habiller griffé, garder la ligne (baguette parisienne), faire de bons repas (pour les autres). Comme disait mon père: "un intérieur bourgeois se reconnaît à la bonne odeur de pâtisserie qui s'en dégage".

Pour compléter la belle image: une amie de lycée connue. C'est frustrant, mais ça vous pose. Surtout dans les cérémonies officielles et médaillées. Car une médaille il en faut une. Ce sera celle de l'ordre du mérite pour la mère. Au moins, elle n'aura pas fait tout ça pour des cacahuètes.

L'image sociale est parfaite. Le père est un père. Il râle, gère ses comptes, ses enfants et ses propriétés... Il râle, mais il a le beau rôle. Est-ce que le complexe d'Oedipe ça ne serait pas ça: croire que son père est parfait, sa mère éternellement insatisfaite. Simplement parce que Lui, a le beau rôle. L'Autorité du Chef de famille. C'est beau la bourgeoisie. Ca jouit ("Jouir", précédent ouvrage de l'auteur). Ca rencontre Philippe Sollers. C'est prêt à casser la belle image trop lisse en racontant tout. Eh, oui, même chez les bourgeois, trrrrès bourgeois, ça pète et ça rote (une page entière!). C'est normal, c'est héréditaire. Chacun des enfants fait normal sup. Normal! Et va s'installer au quatre coins du monde. "Tout petit, tout petit la planète". On est au goût du jour, toujours. C'est bien en ce moment qu'à lieue l'ère de la mondialisation? Alors, à nous l'Amérique.

"Mais je n'aurais pas publié ce livre si l'un de mes parents en avait fait une crise cardiaque. J'aime mes parents et je veux continuer à manger les bons petits plats de maman... C'est bizarre papa a aimé le livre, pas maman. J'aurais pensé le contraire." Toujours insatisfaite, décidément cette mère!

Etre auteur c'est peut-être ça? Pratiquer le strip-tease, en toute innocence (?!) C'est très vendeur et ça apporte la notoriété tant désirée par cette classe sociale, juste pas assez......en vue? Les gens aiment regarder par le trou de la serrure... et se reconnaître. Finalement: "les bourgeois c'est comme les C..." Mais ça on le savait déjà. Heureusement, c'est une espèce en voie de disparition.... Mais peut-être pas à Paris, après tout!

(Christine Strohl-Grün strasmag.com)