Le Café Littéraire Plaisançois
 
 
 
De beaux lendemains
Russel BANKS
Actes Sud - Octobre 2005
 
 
 
  Russell Banks a passé son enfance dans le New Hampshire, comme il le dit lui-même, 'dans un petit bled où personne ne passe jamais et que la neige recouvre la moitié de l'année'. Il grandit dans un milieu extrêmement modeste, rongé par l'alcoolisme et la pauvreté, et se plaît à rêver lorsqu'il entame ses études à l'université Colgate. Mais, en 1958, la lecture de Sur la route de Jack Kerouac le bouleverse et, quittant les bancs de l'école, il est par monts et par vaux pendant un temps. Il vit dans les années 1960 d'expédients et de petits boulots avant de retrouver les chemins de l'université du New Hampshire où il devient professeur. Il part en Jamaïque en 1975 et publie quelques années plus tard son premier succès commercial intitulé Continents à la dérive. Il a écrit depuis plusieurs ouvrages qui fustigent le système économique actuel et est devenu président du Parlement national des Écrivains crée par Salman Rushdie. Il enseigne actuellement la littérature contemporaine à Princeton.  
 
  Quatrième de couverture
L’existence d’une bourgade au nord de l’état de New York a été bouleversée par l’accident d’un bus de ramassage scolaire, dans lequel ont péri de nombreux enfants du lieu.

Les réactions de la petite communauté sont rapportées par les récits de quatre acteurs principaux. Il y a d’abord Dolorès Driscoll, la conductrice du bus scolaire accidenté, femme solide et généreuse, sûre de ses compétences et de sa prudence, choquée par cette catastrophe qui ne pouvait pas lui arriver, à elle. Vient Billy Ansel, le père inconsolable de deux des enfants morts. Ensuite, Mitchell Stephens, un avocat new-yorkais qui se venge des douleurs de la vie en poursuivant avec une hargne passionnée les éventuels responsables de l’accident. Et enfin Nicole Burnell, la plus jolie (et la plus gentille) fille de la bourgade, adolescente promise à tous les succès, qui a perdu l’usage de ses jambes et découvre ses parents grâce à une lucidité chèrement payée.

Ces quatre voix font connaître les habitants du village, leur douleur, et ressassent la question lancinante — qui est responsable ? — avec cette étonnante capacité qu’a Russell Banks de se mettre intimement dans la peau de ses personnages.


Enracinées dans une culture prolétaire, une culture ouvrière, celle des petites villes américaines, les tranches de vie de Russel Banks définissent un monde où rien ne réussit mieux que l'échec. Histoire de réussir, au titre ironique et trompeur constitue un recueil de nouvelles qui nous parle de l'échec moral, l'échec social. On y voit comment les gens échouent, les uns au dépens des autres et surtout en dépit d'eux mêmes. Alors que règne la fatalité, ce qui rend les récits de Banks intéressants, c'est cette voix qui résonne au fond, cette manière qu'a cet auteur de nous montrer, de nous "faire voir" une situation à travers les yeux des personnages disparates et ainsi d'éclairer leur présence, de transmettre leur essence. Les textes de Russel Banks sont prisonniers d'un espace, d'une histoire. Comme l'a écrit L.S. Klepp critique au Village Voice les personnages de Banks semblent perdre leur innocence comme on perd ses clés de voiture sans savoir comment, ni où ni quand. Et ils ne s'aperçoivent que beaucoup plus tard de ce qu'ils ont perdu.
De beaux Lendemains, le roman que publient également les éditions Actes Sud, relate les conséquences de l'accident d'un autocar scolaire qui tue quatorze enfants dans une bourgade de l'État de New York. "Pour nous, avant l'accident, il y avait la vie, la vraie vie, la vie réelle si moche qu'elle ait pu nous sembler, et rien de ce qui a suivi l'accident n'offre avec elle la moindre ressemblance". Russel Banks affirme avoir voulu écrire un roman dont le héros n'est pas seulement un personnage mais la communauté toute entière qui se trouve dans une situation d'impuissance face à tout imprévu. Il se fait donc le portraitiste d'une Amérique sombre, décadente, vidée de ses rêves, pleine de frustrations, une Amérique qu'il rend singulière en s'attachant surtout à certains détails plutôt qu'à des faits généraux. Ainsi si Banks renoue avec le grand roman américain et sa tradition naturaliste, celle de Dreiser ou Richard Wright, son oeuvre se construit dans les années où se développe aux Etats-Unis le travail formel sur la fiction. On retrouve alors un incessant jeu sur les modes narratifs. C'est donc aussi dans son questionnement sur l'écriture et les enjeux du roman que Russel Banks trouve sa force.

Le matricule des anges - www.lmda.net